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Slam Spirit
27 mai 2007

Une cuisine en Australie

Comme tous les soirs je pars marcher dans le bush. Je longe quelques maisons pauvres du quartier aborigène, au loin j'entends des hommes se héler et dans les jardins j'aperçois des carcasses de ferraille et de meubles. Puis je quitte la rue, je m'engage sur la piste de terre battue et je pique vers le coeur, vers le sauvage du bush. Plus je m'éloigne, plus je sens monter en moi une allégresse à la fois aiguillonnée et tempérée par la peur de me perdre. Je sais que même près d'un village, il est facile de se perdre. Partout, des buissons d'épineux parsèment la terre rouge, tous semblables. Plus loin, de petites collines apportent leur modeste relief.
A cette heure tout est rouge, la terre poudreuse, les collines qui laissent apparaître leur roche ferreuse, l'air saturé de l'orange profond du coucher de soleil, et moi, absorbant cette lumière dense et vibrante par tous les pores de ma peau. De temps en temps j'aperçois un wallaby ou un kangourou qui s'éloigne tranquillement.
Je marche, en paix.
Cela fait maintenant plusieurs mois que je suis en Australie et quelques semaines que j'ai rallié ce petit bourg qui fait figure de ville dans la région. Mon travail avance lentement, si même je peux considérer qu'il avance. Demander l'autorisation de partager la vie d'une communauté s'avère bien plus complexe que prévu, entre le protectionnisme des autorités blanches, et la méfiance des conseils de communauté aborigènes. Dans ce bourg au moins, la moitié de la population est aborigène et, bien qu'en quelque sorte urbanisée, elle peut m'ouvrir d'autres portes.
Le soleil baisse encore sur l'horizon, le crépuscule va venir, il est temps de rejoindre la station service take away qui me fournit mon dîner quotidien, salade sous vide et sandwich varié, le tout arrosé d'une canette de coca. Et oui, l'ethnologie demande des sacrifices et cela fait maintenant longtemps que je ne me suis mijoté un petit plat à ma façon. Alors que j'approche de la maison du pasteur, je vois Dan qui vient à ma rencontre. Il est l'un de ces métisses éduqués qui typiquement jouent le rôle de médiateur avec les communautés. Il sait que je suis lasse de ma chambre d'hôtel et aujourd'hui il a une proposition. Sa colocataire vient de partir pour une ville voisine et il cherche un remplaçant pour partager avec lui la petite maison qu'il occupe. J'accepte avec soulagement et je file récupérer mes bagages à l'hôtel.
La maison est d'une construction légère, avec des moustiquaires aux fenêtres et un jardin à l'avant et à l'arrière. A l'intérieur, elle est presque vide, dans la pièce d'entrée il n'y a rien, et dans le salon quelques matelas servent de canapé. Ma chambre est spartiate.  Seule la cuisine est vraiment équipée, avec son frigo, ses placards et sa cuisinière elle donne une soudaine sensation de confort et de convivialité bien nécessaire.
Dan doit repartir, pour le dîner je me débrouillerai avec ses provisions. Des spaghetti, des tomates en boîte, du boeuf haché, et même  des oignons, voilà qui devrait constituer un repas tout à fait acceptable.
Bientôt l'odeur réjouissante de l'oignon et du boeuf rissolés emplit la maison et je décide de m'installer sur la terrasse, pourvue d'une table et de quelques chaises.
La nuit est complètement tombée maintenant, les constellations de l'hémisphère sud sont étonnement présentes, le ciel enveloppe la terre. Je m'attable, un verre de bière à la main. Dans le fond du jardin, la souche d'un arbre foudroyé quelques semaines plus tôt continue de rougeoyer.

Purplejasmin

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